Super lune et lune Bleue, quelle réalité derrière ces termes ?

3/09/2024 Jean VDG

La lune, compagne de nos nuits, a toujours inspiré l’humanité. Artistes, romantiques, astronomes, scientifiques ont cherché à percer ses mystères.
Le terme « super lune » est venu s’ajouter récemment à un champ sémantique lunaire déjà riche.

A l’origine, un terme inventé en 1979 par l’astrologue américain Richard NOLLE, qui cherchait à améliorer les prévisions astrologiques et à lier les nouvelles et pleines lunes qui se produisent au plus près de la Terre à des catastrophes naturelles. En ce qui concerne les séismes, une corrélation entre Lune au plus près de la Terre et catastrophe naturelle n’a pas été établie scientifiquement.
La clef de la question réside dans l’orbite lunaire qui n’est pas circulaire mais elliptique (aplatie) ; l’excentricité moyenne de l’orbite lunaire de 0,0549. La distance Terre/Lune n’est dès lors pas constante et la plus courte distance à la Terre est nommée périgée, quand la plus grande distance est appelée apogée. En raison des perturbations liées aux influences gravitationnelles conjuguées de la Terre et du soleil, l’excentricité de l’orbite lunaire varie de 0,026 à 0,077 ; ce qui a une influence notable sur les distances minimales (périgée) et maximales (apogée) de la lune.

Les super lunes sont les points marqués au plus bas du graphique

La distance moyenne au périgée est de 363.296 km ; soit 384.400 km x (1 – 0,0549)
La distance moyenne à l’apogée est de 405.503 km ; soit 384.400 km x (1 +0,0549)
Le demi-grand axe de l’orbite lunaire, ou sa distance moyenne à la Terre, est de 384.400 km.

Les distances ne sont pas à l’échelle – Source Youtube Nasa

En raison de ces mêmes perturbations gravitationnelles, la ligne des absides (liaison périgée/apogée) n’est pas fixe dans l’espace mais animée d’un mouvement de précession.
Il faut noter également que l’orbite lunaire est inclinée de 5,14° sur le plan de l’écliptique (plan de l’orbite terrestre), ce qui explique le fait qu’il n’y a pas d’éclipse de soleil à chaque nouvelle lune et pas d’éclipse de lune à chaque pleine lune.
Le terme de super lune n’a pas de définition scientifique, on considère qu’il y a super lune lorsque, lors de la pleine lune, la distance Terre/Lune est inférieure à 356.600 km.
Lors d’une super lune, le diamètre apparent est de l’ordre de 14% fois plus grand qu’une lune à l’apogée, la luminosité est de 30% supérieure (soit 1,14^2=1,30 car la luminosité est en rapport au carré de la distance.)

Ces modifications sont-elles perceptibles par le cerveau humain ? La réponse est non.
En effet, le cerveau est trompé par une illusion qui fait croire que la lune à l’horizon est plus grande que la lune lors de son passage au méridien. Les physiologistes pensent que c’est la comparaison avec les éléments du paysage qui fait croire au cerveau que la lune est plus proche, donc plus grande, par rapport à la situation où elle est isolée dans le ciel, donc sans point de comparaison pour le cerveau qui la place indûment plus loin, donc plus petite qu’en réalité.
Si vous prenez un rouleau de papier que vous roulez pour obtenir un cylindre qui vous donnera un champ de vision équivalent au diamètre apparent de la pleine lune à l’horizon, vous constaterez plus tard dans la nuit que le champ apparent de la pleine lune au méridien n’aura pas changé ; preuve de l’illusion de perception.
En ce qui concerne l’observation de la pleine lune au télescope, c’est l’expérience la plus décevante qui soit car l’éclairage solaire étant de face, il n’y a pas d’ombres et dès lors pas de mise en évidence du relief lunaire (montagnes, pics et cratères). De plus, l’éclairage éblouissant de la pleine lune « éteint » les étoiles et rend difficile l’observation des faibles nébuleuses.
Comment expliquer dès lors les tailles démesurées de la lune sur les photos prises durant les super lunes, alors que la variation du diamètre apparent est de l’ordre de 14% ?
En fait, il s’agit d’un montage photographique car la lune est prise avec un puissant téléobjectif, avec une grande focale, alors que le paysage est pris avec un objectif ayant une focale donnant une vue comparable à celle de l’œil humain. (50 mm de focale)
Un exemple de ce montage figure ci-dessous.

Reims. Un photographe capture une super lune

Ce n’est donc pas un effet de la super lune !

On doit constater également que, contrairement à ce qui est exposé dans les média, une super lune n’est pas un phénomène exceptionnel, car elles peuvent se produire 3 à 4 fois par an.
Pour 2024, on peut retenir les super lunes futures suivantes :
– 18 septembre 2024 : Super Pleine lune (357.486 km) ;
– 17 octobre 2024 : Super Pleine lune (357.364 km).

Examinons les cycles lunaires pour déterminer la période de récurrence des super lunes :
Une lunaison, intervalle de temps entre deux pleines lunes ou deux nouvelles lunes, dure en moyenne 29,53059 jours, tandis qu’un mois anomalistique, intervalle de temps entre deux périgées de la lune, dure en moyenne 27,55455 jours.
Les deux cycles coïncident dès lors à la 14ème lunaisons et au 15ème mois anomalistique.

– 14 x 29,53059 = 413,428
– 15 x 27,55455 = 413,318

Cela signifie que le cycle de super lunes dure 413 jours. Si l’on compte 413 jours à partir de la super lune du 23 juillet 2023, on tombe sur la super lune du 19 août 2024.


Ayant épuisé le sujet de la super lune, nous pouvons rapidement aborder la question de la lune bleue.
Il s’agit ici encore d’une expression, car la lune ne devient pas bleue au sens physique du terme. En anglais « once in a blue moon » désigne un phénomène qui survient très rarement ou jamais ; c’est donc une expression populaire.
Il s’agit d’une pleine lune supplémentaire qui peut se produire dans une même année, 13 pleines lunes au lieu de 12 dans une année habituelle, ou lors d’une saison astronomique, quatre pleines lunes au lieu de 3 normalement, ou, suivant un usage récent (édition de mars 1946 du périodique américain d’astronomie amateur « Sky & Telescope », deux pleines lunes dans un même mois.
Pour être complet, il faut citer l’exemple de l’éruption volcanique du Krakatoa de 1883 en Indonésie qui, après le rejet de tonnes de poussière volcanique dans l’atmosphère, a altéré l’aspect de la lune en lui donnant temporairement une couleur bleuâtre.
J’espère que cette petite étude vous permettra de mieux comprendre ces deux nouvelles notions reprises dans les média et d’en conclure qu’elles n’ont rien d’exceptionnel.
L’essentiel est d’observer la lune car l’émerveillement est au bout de chaque lunette !